ESCALES -  Marseille 2025

Rencontre avec des familles Roms



Durant 6 mois d'immersion début 2025, je me suis rendu à l'écart du centre ville de Marseille, accompagné de l'équipe « habitat précaire » de l’ADDAP 13, dans des espaces « sociaux et hospitaliers », à la rencontre de nombreuses familles Roms. Ces lieux de vie, squats et bidonvilles, je m’en suis imprégné dans le but de restituer, en toute humilité, une partie de vies ballotées et précaires. Durant cette période, j’ai mis en place des ateliers photographiques à destination des familles en “escale”, dans les trois lieux de la cité phocéenne qu’ils occupaient. J’ai eu l’occasion de voir les liens précieux qu’entretiennent éducatrices et éducateurs avec les familles. 

 

Partis de Roumanie pour diverses raisons : pauvreté, persécution, manque de travail, absence de structures de protection juridique et sanitaire de leur pays d’origine envers leur groupe ethnique, leurs routes les a menés, après de multiples péripéties, en France. Et c’est là, désormais, qu’elles rencontrent de grandes difficultés. Le racisme omniprésent, encore si prégnant envers eux, persiste au-delà des frontières. Les difficultés de compréhension d’une culture éloignée, de notre mode de vie occidental moderne, ne permettent pas, bien souvent, de comprendre, d’approcher, leurs attentes quant à leur vie dans ces habitats éphémères. Enfin, la gestion étatique de leur situation, ne les aide que « très peu », et participe essentiellement en la dissolution puis la destruction de leurs lieux de vie. S’ensuit qu’elles se retrouvent pour la plupart à la rue ou reloger de manière provisoire dans des logements d'urgence qui ne leur conviennent généralement pas, car elles ont pour la plupart des enfants, des biens personnels, une vie de famille bien établie.  

 

Dans cette communauté patriarcale, les rôles sont souvent divisés. Parmi les hommes, certains parviennent à trouver du travail de manière légale, payent des impôts, et officialisent leur famille sur le territoire français. D’autres rencontrent plus de difficultés. Pour beaucoup, la ferraille est un moyen de gagner leur vie, ils la récoltent, la travaillent et la revendent. D’autres se spécialisent dans la mécanique, passent leurs journées, les mains dans les moteurs, dans le cambouis, sur les carrosseries et ce, souvent dès le plus jeune âge. En ce qui concerne les femmes, elles occupent pour la plupart une place importante du maintien du foyer. Elles ont à leur charge les tâches ménagères, l'entretien des habitats, la confection des repas ainsi que l'éducation des enfants. Certaines d’entre elles se voient venir en aide aux hommes ou les remplacent, afin de répondre aux mieux aux attentes de la communauté. Enfin, les enfants évoluent dans les différents lieux et espaces collectifs pour jouer et parfois travailler avec les adultes. En ce qui concerne leur scolarité, le sujet est compliqué à aborder car seulement certains d'entre eux parviennent à suivre un cursus scolaire. Ils rencontrent de nombreuses difficultés, que ce soit au sein même de leur famille ou de leur école.

 

L’objectif de mon travail a donc été de dévoiler une partie, un fragment de ces multiples réalités observées, et de tenter, loin des clichés véhiculés sur ses populations stigmatisées, de dévoiler ma vérité avec elles et eux, celle de notre rencontre.  

 

J’ai souhaité poser un regard doux sur des êtres dont la culture m'était jusqu'alors inconnue. L'enchaînement de scènes de vie, la multiplicité colorée de leurs habitats, les portraits individuels et collectifs que j’ai réalisés, composent ainsi une mosaïque visuelle qui tend à rendre compte de la richesse de cette relation que j’ai pu vivre avec elles et eux. Certaines images sont nées du désir, des participantes, des participants, à laisser une empreinte de ces rencontres. Pour ce faire, en guise de remerciement j’ai offert, à chacune, chacun, de modestes tirages de mon passage parmi eux qui pourront les accompagner au cours de leur vie et de leurs “Escales” à venir. 

 

Je tiens à remercier chaleureusement toutes celles et ceux qui m’ont ouvert leurs portes, et leurs paroles ainsi que l’ensemble de l’équipe “Habitats précaires” de l’ADDAP 13.